Politique achat durable

L’intégration d’une politique d’achat durable est essentielle pour répondre aux enjeux environnementaux, sociaux et économiques actuels. Mais qu’implique une telle démarche, comment la structurer et quels outils utiliser pour la piloter efficacement ?

Les enjeux

L’achat durable permet d’agir sur plusieurs dimensions :

  1. Environnemental : diminuer l’empreinte écologique de vos activités en choisissant des produits et services ayant un impact réduit sur l’environnement.
  2. Social : promouvoir des pratiques éthiques et équitables chez vos fournisseurs, encourager l’emploi local et l’inclusion sociale.
  3. Économique : stimuler l’innovation et optimiser les coûts sur le long terme, grâce à des produits plus durables et des pratiques responsables.

Les prérequis

  1. Sensibilisation des équipes : La mise en place d’une politique d’achat durable ne peut réussir que si l’ensemble des acteurs du processus achats, notamment les acheteurs et les prescripteurs, sont bien informés et formés aux enjeux et bénéfices que cette démarche apporte.

  2. Engagement de la direction : L’implication de la direction générale est cruciale pour légitimer et soutenir la démarche. Un alignement stratégique doit être assuré entre la politique d’achat durable et les objectifs globaux de l’organisation.

  3. Maîtrise du cadre réglementaire : les directives 2014/24/UE sur la passation des marchés publics et 2014/25/UE pour les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux introduisent la possibilité d’inclure des exigences liées au développement durable dans les appels d’offres. Ces textes permettent aux pouvoirs adjudicateurs de prendre en compte le cycle de vie des produits, les performances environnementales, ainsi que les aspects sociaux. Enfin, des lois comme la Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (2015) renforcent ce cadre en incitant les acheteurs publics à privilégier les produits issus de l’économie circulaire et à réduire l’empreinte carbone des achats.

La définition d’une politique d’achat durable

Sa définition passe par plusieurs étapes :

  1. Identification des priorités : Définissez vos priorités stratégiques en matière de développement durable, qu’il s’agisse de réduire l’empreinte carbone, de favoriser l’emploi local, ou encore de promouvoir l’économie circulaire.

  2. Fixation d’objectifs mesurables : Établissez des objectifs clairs et quantifiables comme augmenter le pourcentage d’achats de produits labellisés ou réduire de 20 % les émissions liées aux transports de vos fournisseurs.

  3. Intégration dans les procédures d’appel d’offres : Les critères durables doivent être inclus dès la phase d’appel d’offres et de sélection des fournisseurs. Par exemple, privilégier les fournisseurs ayant une certification ISO 14001 ou ceux engagés dans des démarches RSE.

Les modalités de pilotage et de gouvernance

Cela exige une démarche structurée :

  1. Création d’un comité d’achats durables : Ce comité, composé de représentants des principales parties prenantes (direction gébérale, service des achats ou de la commande publique, finances, développement durable, …), a pour mission de superviser la mise en œuvre de la politique d’achats durables. Il se réunit régulièrement pour faire le point sur les avancées et ajuster les actions.

  2. Mise en place d’un plan d’actions : Un plan d’actions clair, avec des étapes précises et des responsabilités définies, permet de structurer l’ensemble des actions liées à l’achat durable. Il comprend notamment les actions à mener avec les fournisseurs pour améliorer leurs pratiques.

  3. Suivi des performances et reporting : Le suivi régulier des actions et des résultats est crucial. Il s’appuie sur des indicateurs précis (voir ci-dessous) et sur des tableaux de bord de pilotage. Un reporting régulier doit être effectué auprès de la direction général.

  4. Amélioration continue : Une politique d’achats durables ne doit pas rester figée. Il est essentiel de prévoir des revues régulières pour adapter la stratégie en fonction des résultats obtenus, des évolutions du marché et des retours d’expérience.

Les 10 indicateurs indispensables

  1. Pourcentage de marchés publics intégrant des critères environnementaux ou sociaux : Cet indicateur mesure la proportion de vos appels d’offres qui incluent des clauses favorisant le développement durable, qu’il s’agisse de critères écologiques (éco-conception, réduction des émissions) ou sociaux (insertion, égalité professionnelle).
  2. Taux de recours à l’économie circulaire : Il évalue le pourcentage de vos achats qui proviennent de l’économie circulaire, c’est-à-dire l’achat de produits recyclés, réutilisés ou réparable, ou la location plutôt que l’achat, pour diminuer l’impact environnemental.
  3. Part des fournisseurs évalués sur leur performance RSE : Cet indicateur calcule la proportion de fournisseurs faisant l’objet d’une évaluation formelle de leur Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), notamment via des audits ou des plateformes comme EcoVadis.
  4. Part des économies réalisées en coût global : Cet indicateur mesure les économies réalisées sur la durée de vie complète des produits ou services achetés (maintenance, coûts d’énergie, durabilité), en comparaison avec des achats non durables.
  5. Nombre de produits labellisés écologiques achetés : Cet indicateur mesure la quantité de produits ou services achetés bénéficiant d’un label environnemental reconnu, comme l’Ecolabel européen ou NF Environnement.
  6. Réduction de la consommation d’eau et d’énergie liée aux achats : Cet indicateur suit la réduction des consommations d’eau et d’énergie grâce aux produits et services achetés, par exemple à travers des équipements à faible consommation énergétique ou hydrique.
  7. Part des achats de proximité : Évalue le pourcentage d’achats réalisés auprès de fournisseurs locaux ou régionaux afin de réduire l’impact carbone des transports et soutenir l’économie locale.
  8. Nombre de formations en achats responsables suivies par les équipes : Mesurez le nombre de formations dispensées aux équipes achats pour améliorer leurs compétences en matière de développement durable et de gestion responsable des marchés.
  9. Taux de satisfaction sur les achats durables : Cet indicateur recueille les retours des services opérationnels sur la pertinence et l’efficacité des démarches d’achat durable.
  10. Réduction du gaspillage lié aux achats : Mesure la baisse des déchets ou du gaspillage générés par les produits achetés, grâce à l’utilisation de produits durables ou à la mise en place de pratiques d’achats responsables.

Des exemples concrets de mise en œuvre

  1. Ville de Paris : Mobilier urbain durable et innovant

    La Ville de Paris est un exemple pionnier en matière d’achats durables, notamment avec sa politique d’approvisionnement en mobilier urbain. Dans le cadre de ses efforts pour devenir une ville plus verte et plus durable, la mairie a lancé un marché pour la fourniture de mobilier urbain respectueux de l’environnement. Les appels d’offres incluaient des critères environnementaux stricts, exigeant l’utilisation de matériaux recyclés, recyclables ou biodégradables pour la fabrication de bancs, d’abris-bus et de poubelles.

    Les entreprises candidates ont dû prouver leur engagement en matière de réduction des émissions de CO2 pendant le processus de production et dans le transport des produits. De plus, des critères sociaux ont été intégrés, favorisant les entreprises locales ou les structures favorisant l’insertion professionnelle de personnes en difficulté. Cette démarche a permis non seulement de réduire l’empreinte écologique des aménagements urbains, mais aussi de créer des emplois locaux et de soutenir des entreprises engagées dans des pratiques responsables.

    Résultat : Paris a réduit de 30 % les déchets liés au remplacement du mobilier urbain et économisé près de 20 % sur les coûts de gestion des infrastructures grâce à la durabilité des matériaux utilisés.

    2. Région Nouvelle-Aquitaine : Construction d’un lycée écoresponsable

    La Région Nouvelle-Aquitaine s’est engagée dans un projet ambitieux de construction de lycées écoresponsables en intégrant une politique d’achat durable dès la phase de conception. Pour la construction d’un lycée à énergie positive, le cahier des charges imposait l’utilisation de matériaux à faible impact environnemental, comme le bois local certifié, et la mise en place d’équipements favorisant les énergies renouvelables, tels que des panneaux photovoltaïques et des systèmes de récupération d’eau de pluie.

    Un autre point clé de ce marché était l’insertion de clauses sociales. Les entreprises de construction ont été tenues d’employer un pourcentage significatif de travailleurs en insertion pour répondre aux exigences du marché. La Région a également utilisé le critère du coût du cycle de vie pour évaluer les offres, afin de garantir que les choix techniques retenus généraient des économies sur le long terme.

    Cette approche intégrée de l’achat durable a permis à la Région de minimiser les impacts environnementaux du projet tout en favorisant l’emploi local et en garantissant des bâtiments à haute performance énergétique. Ce lycée est désormais un modèle pour d’autres constructions publiques en France.

    3. SNCF : Politique d’approvisionnement en matériel roulant écoresponsable

    La SNCF, acteur majeur des transports en France, a développé une politique d’achat durable pour le renouvellement de son matériel roulant. Dans le cadre de la modernisation de ses trains régionaux (TER), la société a lancé des appels d’offres basés sur des critères stricts en matière d’éco-conception. Les fournisseurs devaient proposer des trains à faible consommation énergétique, avec des matériaux recyclables et une empreinte carbone réduite tout au long de leur cycle de vie.

    Grâce à cette stratégie d’achat durable, la SNCF a pu réduire de 15 % les émissions de CO2 par kilomètre parcouru et de 10 % le coût d’exploitation des nouveaux trains grâce à leur plus grande efficacité énergétique. Cette expérience a également renforcé la collaboration avec des fournisseurs locaux, consolidant ainsi la chaîne d’approvisionnement durable dans l’industrie ferroviaire.

Conclusion

L’adoption d’une politique d’achat durable nécessite un engagement fort de la direction générale, une gouvernance structurée et l’utilisation d’indicateurs précis pour suivre les performances de cette démarche.